Corruption UAG Lettre ouverte du 6 décembre 2004

 

RAPPORT  IGAENR : MALVERSATIONS FINANCIERES A L’UAG

 

LETTRE OUVERTE A LA COMMUNAUTE UNIVERSITAIRE 06/12/04

 

         Ph .VERDOL

 Maître de Conférences en Sciences Economiques

  Secrétaire du Comité de Suivi Pôle Guadeloupe.

Evoquant le manque de moyens, les instances dirigeantes de l’université ont demandé à chacun de faire un effort :

          les composantes ont été priées de réduire leur offre de formation : certains cours optionnels ont donc été supprimés.

          Un effort de réduction des heures complémentaires a été effectivement entrepris

          Le délai de rémunération du personnel enseignant a été allongé pour ces volumes horaires

          Les projets de construction ne parviennent pas à sortir de terre.

          Les espaces parking ne peuvent plus être aménagés.

          Des difficultés interviennent dans le paiement du personnel sous contrat d’établissement.

          La mise en sécurité des bâtiments est à ses balbutiements, si bien que les cambriolages sont devenus monnaie courante.

          La sécurité des personnes ne peut encore être assurée de manière satisfaisante sur le campus et à ses abords (présence de nombreux dealers, agressions diverses parfois tragiques, …).

Dans ce contexte, les bailleurs de fonds semblent paradoxalement moins disposés à palier les difficultés du creuset de formation de l’intelligentsia Antilles-Guyane.

Le rapport de la Mission de l’Inspection Générale de l’Administration de l’Education Nationale et de la Recherche (IGAENR) est accessible aux usagers de l’UAG des 3 pôles, depuis le 3 novembre dernier. Ses révélations sont ahurissantes. Il donne un nouveau relief à nos contraintes financières.

Plutôt que de l’interpréter, nous le citons directement en renvoyant aux pages (numéro indiqué entre crochets) de l’exemplaire que nous avons pu consulter au secrétariat du CUR Guadeloupe.

  1. MES MOTIVATIONS

Faire circuler une information que certains

          n’osent pas aller chercher (nécessiter d’émarger et de dépasser un jargon technique)

          n’osent pas diffuser

          ne souhaitent pas ébruiter.

Donner la possibilité à chacun, dans l’intérêt de tous, d’apparaître tel qu’il est. Aujourd’hui, l’UAG est digne d’une République Bananière des Antilles et de la Guyane.

En ce qui me concerne, dans la situation présente : « je sais ; je dis ».

  1. DEFICIT « STRUCTUREL » OU MIRACLE DE LA MULTIPLICATION DES PAINS ?

L’équipe Présidentielle actuelle nous parle de déficit « structurel » pour qualifier le trou qu’elle estime à environ 4 ou 5 millions d’euros. L’éclatement de l’université sur 3 « pays » expliquerait des niveaux d’investissement et de charges de fonctionnement élevés. A 7000 kms de distance,  ceux-ci ne seraient ni compris, ni surtout pris en compte par les experts du Ministère.

Les 3 experts détachés sur place en ont pourtant une compréhension toute différente.

Après qu’ils aient rapproché [p.9] les subventions constatées en comptabilité et les notifications ministérielles, ils ont observé sur les années 1997-2002 un écart global de 4.183.755 € dont 3.588.052 € en fonctionnement et 595.703 € en investissement ! Ils ont fait observer que le record avait été celui de l’an 2000, où 7.455.602 € avaient été notifiés à l’UAG et où 13.285.754 € avaient été enregistrés en sa comptabilité !

  1. LA TECHNIQUE COMPTABLE DE L’UAG .

En différents lieux du rapport, la technique comptable de l’UAG se trouve stigmatisée :

– « L’université a confondu recettes constatées et crédits non utilisés susceptibles d’être reportés. D’année en année, elle réouvrait des crédits dont elle avait disposé le ou les exercices précédents » [p.4].

– « Aucune dotation aux amortissements n’est budgétée, aucun enregistrement comptable n’en est constaté ; il en est de même pour les postes de provisions. Les écritures de régularisation de fin d’exercice ne sont pas comptabilisées ; le compte 487 (produits constatés d’avance) n’est pas utilisé. Les reprises de balances d’entrée sont soit inexactes, soit incomplètes, soit non effectuées.

Les comptes de tiers (classe 4) ne font l’objet d’aucun suivi » [p.6].

– « Dès la remise de service, le 31 octobre 1997 entre son prédécesseur et le comptable entrant, un certain nombre de soldes de la classe 5 n’étaient pas justifiés. En classe 4, seuls deux comptes (excédents de versements à rembourser et sommes ré-imputées), avaient fait l’objet d’état de développement. Les carences étaient donc patentes, mais la chambre régionale des comptes à donné son quitus au comptable pour les comptes de l’exercice 1997 » [p.6].

– « Les régies d’avances et de recettes ne font l’objet d’aucun contrôle ; des situations de gestion de fait semblent patentes ; la caisse est gérée de façon erratique ; les restes à payer et les restes à recouvrer ne sont pas identifiés » [p.7]

– « Le poste des dépenses des frais de mission explose particulièrement en 2001 et 2002, dépassant les 1,5 millions d’euros alors qu’auparavant il se situait en deçà de 500.000 € » [p.7].

– « Devant la gravité de cette situation, la mission a souhaité faire le point sur l’ensemble des subventions attribuées par le Ministère au cours des 9 dernières années (1994 à 2002). Elle a dû y renoncer pour les exercices 1994, 1995 et 1996, vu l’absence de budgets et de comptes financiers consolidés pour ces années-là » [p.8].

– « Les références portées (sur les titres de paiement) restent sibyllines, telles que BE suivi de l’année 97 ou 98 (en août 2001) et du numéro d’UFR. La mention divers  revenait souvent et les titres n’étaient apparemment pas émargés. Ceci se retrouve dans tous les comptes de tiers, y compris au débit du compte 441110 (subventions d’investissement Etat sur exercices antérieurs), ce qui ne contribue pas à la lisibilité de la comptabilité. L’actuel  Agent Comptable, dans ses réserves, a d’ailleurs repris nombre de ces soldes, les annotant très fréquemment de la mention  non émargé faute de crédits suffisants  ou encore  argent non trouvé.

Outre le fait que sont certainement intervenues des doubles prises en charge, il apparaît que la fonction  recettes  a été totalement négligée, et ce depuis des années. Elle l’a été sur le plan budgétaire (voir supra), elle l’a été sur le plan financier (voir le présent paragraphe), elle l’a enfin été sur le plan comptable puisque les émargements des restes à recouvrer restant à faire se situent dans une proportion hors du commun, d’où les réserves du comptable entrant, qui portent sur un total de près de 5 millions d’euros » [p.8].

– «Il n’est pas rare que des factures soient payées sur duplicata et non sur original. Pour d’autres créanciers il n’y a parfois pas de facture du tout, les pièces justificatives étant constituées par un duplicata de bon de commande » [Annexe 7].

– « EXERCICE 1999

Tous les titres ont été émis le dernier jour de la période complémentaire, soit le 28 février 2000, à l’exception de quelques uns, dans les UFR, qui l’ont été en décembre 1999. Le bordereau du 8 décembre porte le numéro 6 dans une UFR, celui édité le 16 décembre dans une autre le numéro 2 et en médecine, à la même date, c’est le numéro 1.

[…]

Les crédits de maintenance et de mise en sécurité ont été utilisés à payer des bureaux d’études, régler des notes d’hôtel et de restaurant, des frais de mission, des parutions dans les journaux, des entreprises diverses. Les comptes 615 – travaux d’entretien des immeubles – et le compte 617 – études et recherches – ont été largement utilisés pour imputer ces dépenses. Conséquence : on est dans l’impossibilité de mesurer à quoi précisément les subventions conséquentes attribuées par le ministère sous le chapitre 66-72 art 40 et art 10 ont pu servir ; elles ne sont pas identifiables en comptabilité de produits » [Annexe 8].

– « EXERCICE 2000

Cet exercice se caractérise par un grand nombre d’irrégularités dans la constatation des subventions d’Etat. Les errements à l’origine des dérives signalées – exercice 1999 – se poursuivent se renforcent.

Compte 1311

– certains titres constatent des recettes d’exercices antérieurs, comme le titre n°97 en date du 26/02/01 pour 400 KF (60.979,61 €) (notification recherche du 27/07/1999)

– toute une série de titres ont été émis, correspondant cette fois nettement à l’abandon, par l’Agent comptable de l’époque, de la gestion en ressources affectées des crédits de recherche. La façon dont sont calculés les montants constatés n’apporte aucune garantie sur la sincérité de ces titres qui totalisent d’importantes sommes

– les titres n°147 et 148 constatent sans plus de détails (c’est-à-dire sans pièce justificative) trois tranches de contrat quadriennal (de 1998 à 2000) pour un montant total de 2.491.230 F (379.855,57 €)

– un titre de 2 millions de francs est émis le 26 février 2001 alors que le montant des crédits de paiement de l’année n’est que de la moitié et que les dépenses payées en 1999 avaient fait l’objet d’un titre de recettes – n°74 – d’un total de 782.734,85 F (119.327,16 €) ventilé entre le c/1311 et le c/7411). On est typiquement devant une double prise en charge.

Compte 7412

Les constatations sont identiques pour les subventions recherches à celles mentionnées supra au 2 : plusieurs titres constatent à la fois des charges d’infrastructures, des reliquats de crédits de l’exercice 1999, des reversements entre CR et des crédits de la tranche du contrat 2000 ; les pièces jointes ne permettent pas d’y voir clair. Un exemple est celui du titre n°63 émis sur l’UB 904 pour un montant de 1.188.381,50F (181.167,59 €). S’agissant des reliquats de crédits 1999, la mission fait le constat qui relève des mêmes pratiques dénoncées infra sur l’exercice 2002 : on se trouve placé devant des doubles prises en charge.

[…]

Il a été trouvé trace, au bureau des services techniques, de documents attestant que les crédits de maintenance immobilière ont servi à faire des avances à des tiers, en l’occurrence des composantes . Sur les exercices 1999 à 2001, le total est de 3.225.071,60 F (dont une avance de 697.857,72 F consentie en 2001 au SCD et remboursée la même année) ; le montant relatif à l’année 2000 est à lui seul de 2.080.978,20 F. Une telle opération n’a pu se faire qu’à la demande expresse de la Présidente » [Annexe 8].

– « EXERCICE 2001

Compte 7411

La prise en charge, le 28/12/2001 d’une recette de 250.000 F (38.112,25 €) au titre de régularisation recette 1999 a été constaté alors que la notification du ministère datait du 28/06/99 (subvention de fonctionnement pour IUT de Kourou).

D’autres régularisations ont été observées, mais pour de sommes moindres.

Compte 1311

L’année 2001 est marquée par un nombre important de prises en charge de recettes de deuxième section relatives au parc immobilier, dont certaines se rattachent à l’exercice 1999.

En revanche, le titre n°148 de 9 millions de francs (1.372.041,16 €) émis sur l’UB 900 pour convention n°GPE1 pour construction du bâtiment d’accueil entrée SJE/Guadeloupe 21/05/01 n’est justifié par rien, si ce n’est par une consultation de conventions sous NABUCO » [Annexe 8].

– « EXERCICE 2002

Les titres portent la date du 31 décembre, mais ils ont été réellement établis en mai 2003.

Compte 7411

En revanche, tous les crédits accordés et fléchés sur le chapitre 66-71 au titre du Contrat de Plan Etat-Région ont été irrégulièrement constatés au c/7411.

Le montant cumulé de ces titres s’élève à 112.051 €. Ils n’ont pas fait l’objet de prélèvement de TVA. Chaque notification est jointe et le titre est établi du montant du CP. Alerté, l’Agent Comptable devrait procéder aux rectifications nécessaires dans les meilleurs délais.

Compte 1311

Aucune subvention d’équipement n’apparaît (à la date du 20/05/03) sachant qu’il convient de ré-imputer au plus tôt les crédits du chapitre 66-71 (voir supra).

Tout ceci n’est pas neutre, puisque le résultat de l’exercice s’en trouve faussé. On pourrait aussi évoquer les incidences en matière de fiscalité » [Annexe 8]

  1. ASPECTS DE L’ORGANISATION ADMINISTRATIVE EN 2003.

– Emplois IATOS

« On fait le constat d’une répartition des emplois entre fonctions d’une part et composantes d’autre part, qui ne repose pas sur une approche cohérente. La comptabilisation des emplois n’est pas organisée de manière à donner une vision consolidée des ressources en personnel des différentes structures de l’établissement. Les tableaux des contractuels, notamment, sont établis selon la nature des contrats (CES, CEC, contrats rectoraux, …) ce qui ne facilite pas les comparaisons » [p.13].

Les Responsables Administratifs.

« Cet échelon administratif intermédiaire, de bonne volonté, et ayant manifestement des compétences, semble être laissé en déshérence par le Secrétariat Général et les Services Centraux. Les plus motivés se replient activement sur leur composante et cet état de choses renforce la logique de territoire (celui de l’UFR et/ou celui de la Région). La plupart d’ente elles ont présenté avec pertinence leur organisation et se sont plaintes de ne pas pouvoir situer leur action dans  un cadre plus global qui serait tracé au niveau de l’université » [p.14].

– La Division du Personnel Administratif.

« La question majeure, celle du recrutement sur budget propre, ne paraît pas maîtrisée par l’Etablissement. Il ne semble pas y avoir de procédure formalisée, ni de travail prospectif sur la fonction, les charges, les évolutions, les coûts » [p.17].

– La Division du Personnel Enseignant.

« Cette division est clairement organisée.

Elle dispose de fiches de postes pour la répartition interne des tâches ainsi que d’un calendrier des opérations et des réunions des conseils nécessaires à la gestion des personnels. L’approche administrative est de bonne qualité. On ne trouve pas de vision globale d’une politique de Gestion des Ressources Humaines, mais le souci des personnes est perceptible » [p.16].

Le Secrétariat Général.

« Il présente un état très proche du néant. L’impression qui prévaut tout d’abord est celle d’un service complètement inorganisé, livré à lui-même et sans véritable direction : les choses se font, les dossiers se traitent sans que personne ne semble en maîtriser la signification ni en mesurer l’importance pour l’établissement » [p.16].

5 . CONCLUSION

« Ainsi apparaît-il clairement que les difficultés financières de l’UAG ne sont pas récentes. Elles trouvent leur origine dans un certain nombre de dysfonctionnements comptables, certes, mais aussi et d’abord dans la conduite d’une politique budgétaire dépourvue de rigueur.

La question se pose alors de savoir

. si on est en présence de simples négligences

. s’il s’agit d’incompétence

. ou encore s’il y a eu volonté d’agir ainsi » [p.4].

Tout laisse penser que l’effectif concerné par ces malversations est très divers et très étendu. D’où le risque d’un véritable syndrome SODEG et d’une omerta.

Aujourd’hui, la philosophie des corrupteurs est de demander qui n’a pas bénéficié de leurs largesses ou de leur inadvertance. Celle des corrompus est d’affirmer qu’ils ont été manipulés ou qu’ils ont agi pour le bien de la communauté.

Il conviendrait pour le moins que nous nous ressaisissions et que les instances dirigeantes de l’UAG (équipe présidentielle et conseil d’administration) démissionnent sur le champ et soient durablement écartées des affaires en attendant que la justice fasse son œuvre.

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