Appel à financement participatif pour la modification des Limites Maximales de Résidus (LMR ) chlordécone

Appel à financement participatif pour la modification des Limites Maximales de Résidus (LMR ) chlordécone

  • C’est en 2005, via le rapport BEAUGENDRE[i], qu’intervient la reconnaissance politique par la France de la pollution/contamination globale de la Guadeloupe et de la Martinique par le chlordécone.

Des Limites Maximales de Résidus provisoires (LMR) sont prises dans l’urgence – à charge pour l’Union Européenne de les valider ultérieurement.

En pareilles circonstances, le principe de précaution fort qui prévaut dans l’Union européenne consiste à ne pas proposer aux ressortissants européens des aliments où ont été détectés des résidus de pesticides interdits – le seuil de détection étant de 10 microgrammes (µg)/kg de matière fraîche.

  • En juin 2006, l’INRA publie un rapport[ii] qui indique notamment que les bananes analysées présentent un taux de chlordécone de 17 µg/kg de matière fraîche.

Qu’à cela ne tienne ! Sous la pression des lobbies bananiers, l’Etat français obtient de l’Union Européenne que les LMR publiées en 2008[iii] stipulent que les fruits et légumes tropicaux puissent contenir jusqu’à 20 µg de chlordécone par kg de matière fraîche. Le traitement réservé au sucre est particulièrement emblématique : le sucre de betterave fait l’objet d’une LMR de 10 µg/kg tandis que le sucre de canne fait l’objet d’une LMR de 20 µg/kg.

  • En mai 2011, des contrôles de chlordécone sont instaurés dans les abattoirs de Guadeloupe et de Martinique. En cas de dépassement de la norme (20 µg/kg de poids frais), les carcasses sont détruites sans indemnisation des éleveurs.

Le lobby de la viande est furieux!

  • Deux ans plus tard, en 2013, dans la plus grande discrétion, les LMR chlordécone relatives aux viandes rouges et blanches sont modifiées spectaculairement. En effet, les LMR concernant les viandes rouges sont multipliées par 5 (elles passent de 20 µg à 100 µg/kg de poids frais) tandis que les LMR relatives aux volailles sont multipliées par 10 (passant de 20 µg à 200 µg/kg de poids frais).
  • En Février 2017, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et la Direction Générale de la Santé (DGS) demandent à l’ANSES un avis sur les nouvelles LMR de 2013 qui portent sur les viandes.

Paru en décembre 2017, ce rapport[iv] contient plusieurs éléments très importants.

Nous en retiendrons trois[v].

– Premièrement, la viande et les œufs apparaissent désormais comme d’importants vecteurs de chlordécone, ce qui peut sembler logique au vu des vertigineuses augmentations des LMR.

– Deuxièmement, les enfants de Guadeloupe qui résident en zone contaminée dont plus de 30% des sols sont pollués) sont surexposés au chlordécone tandis que les enfants guadeloupéens résidant en zone non contaminée ne sont pas surexposés au chlordécone. Cela signifie grosso modo que les enfants de la Basse-Terre sont surexposés contrairement à ceux de Grande-Terre.

Cette information est loin d’être anodine. Menée sur une cohorte d’enfants Guadeloupéens, l’étude Timoun[vi], coordonnée en France par l’INSERM a en effet démontré que les enfants dont la mère a été exposée au chlordécone durant sa grossesse présentent une perte de quotient intellectuel (QI) qui va de 10 à 20 points!

Ce qui signifie qu’en Guadeloupe, deux populations d’enfants sont en émergence: les malins/intelligents proviendront de Grande-Terre et les autres de Basse-Terre!

A noter qu’en Martinique, selon cette étude, compte tenu de la diffusion plus massive et homogène de ce pesticide, tous les enfants sont pareillement exposés au chlordécone.

– Troisièmement, selon l’ANSES, les LMR de 2013 ne seraient pas particulièrement néfastes à la santé publique des populations de Guadeloupe et de Martinique. Il s’agit surtout d’éviter les comportements à risques qui consistent à s’approvisionner en circuits couts (bords de routes et autoproduction). Après prélèvement et analyse, de sang, d’urines et de cheveux, et après s’être renseignées sur les habitudes d’approvisionnement des personnes enquêtées, l’ANSES affirme que les personnes qui présentent la plus faible imprégnation de chlordécone seraient celles qui s’approvisionnent dans les circuits officiels – notamment en Grandes et Moyennes Surfaces[vii] (GMS). Avec de telles préconisations, exit les jardins traditionnels et la production locale!

A propos de la production locale, aucune préconisation par l’ANSES d’analyse de sols ni d’agriculture hors-sol ou d’élevage sur sol sain ou en boxes isolés des milieux contaminés. Peut-être n’est-ce pas sa mission. Quoiqu’il en soit, à ce jour aucune intervention politique ne vient de nos élus.

Ainsi, pour éviter d’avoir à verser des subventions à des producteurs dont la production serait irrecevable et pour éviter d’avoir à verser des réparations à des consommateurs antillais ayant consommé des produits hors-normes, l’Etat français et l’Union européenne ont choisi purement et simplement de sacrifier la santé des populations antillaises en les empoisonnant massivement!

Nous aurions pu insister sur les pubertés précoces attestées par les pédiatres de Guadeloupe (dès l’âge de 3 ans) ou encore sur les terribles observations des infirmières de santé scolaire du Sud Basse-Terre[viii] ou encore sur les infertilités et autres difficultés de procréation croissantes des antillais[ix]

L’Etat français a été pratiquement le seul (en dehors des USA avec Hopewell, en Virginie) a reconnaître que deux de ses régions connaissent une pollution/contamination globale par le chlordécone.

De fait, la France considère les populations de Guadeloupe et de Martinique comme des citoyens de seconde zone, des sous-hommes et des sous-femmes, offerts en holocauste aux différents lobbies!

Avec l’opiniâtreté de l’Etat français et de ses équipes de scientifiques, nous sommes désormais traités comme des rats de laboratoire dans l’intérêt bien compris des producteurs de pesticides.

Ainsi, Jean-Louis PRIME et Henri BONAN estiment-ils que :

« La Guadeloupe constitue un lieu privilégié pour poursuivre ou conduire un certain nombre d’études épidémiologiques sur les effets des pesticides sur la santé humaine. Sans prétendre à l’exhaustivité, plusieurs pistes de recherche peuvent être évoquées »[x] .

Ils mentionnent alors successivement[xi] :

– La réalisation d’une base de données commune sur les pesticides qui devrait être poursuivie par la CIRE[xii] Antilles-Guyane.

– une évaluation de la contamination par les pesticides d’autres éléments de la chaîne alimentaire.

– une étude sur les effets de l’intoxication aiguë pourrait être conduite conjointement par le CHRU[xiii] et la CGSS[xiv].

– une étude visant à comparer, chez des hommes exposés professionnellement à des pesticides et chez des hommes non exposés à ces produits, les principaux paramètres spermatiques et le niveau de certaines hormones spécifiques de la reproduction.

Afin que les aliments proposés aux Antillais ne comportent plus de résidus de chlordécone et pour la bonne santé des générations actuelle et future, l’Association guadeloupéenne EnVie-Santé a décidé d’ester en justice devant les tribunaux français et européens.

Depuis déjà plusieurs mois, nous avons pris l’attache d’un avocat spécialisé en droit de l’environnement.

Pour pouvoir faire face aux frais induits par notre recours, nous sollicitons de votre générosité une contribution à un financement participatif à hauteur de 20.000 €.

Voici le lien vers KissKissBankBank, la plateforme agréée : qui héberge notre souscription.

https://www.kisskissbankbank.com/guadeloupe-et-martinique-une-surexposition-aux-pesticides-unique-au-monde

Les délais sont courts : si nous n’arrivons pas à atteindre l’objectif des 20.000 € d’ici le 2 février 2018, toutes les sommes déjà recueillies seront retournées aux donateurs !

Sans tarder, faites un don citoyen et mobilisez en ce sens tous vos réseaux pour soutenir le recours en justice de l’association EnVie-Santé!

Pour mémoire, en 2013 après seulement trois mois d’existence, EnVie-Santé a initié avec deux autres associations guadeloupéennes, des recours en justice pour la fin de l’épandage aérien des pesticides agricoles. Notre démarche qui a été jusqu’au Conseil d’Etat a abouti finalement, dès le 1er janvier 2015, à interdire l’épandage aérien non seulement dans l’ensemble de la France ultramarine mais encore sur tout le territoire de la France hexagonale. Hubert JABOT, Président de la LDH Section Guadeloupe était notre avocat.

Cordialement,                                                                                                                                                             Gosier le 30 décembre 2017

Philippe VERDOL

Président de l’association EnVie-Santé (Environnement, Vie et Santé)

Maître de Conférences en Economie (Université des Antilles, Pôle Guadeloupe)

Membre de la Ligue des Droits de l’Homme Section Guadeloupe

[i] Joël BEAUGENDRE, Utilisation du chlordécone et des autres pesticides dans l’agriculture martiniquaise et guadeloupéenne, Commission des Affaires Economiques, de l’Environnement   et du   Territoire,   Rapport d’Information n°2430 présenté à l’assemblée nationale le 24/06/05, 124 pages

[ii] Yves-Marie CABIDOCHE, Magali JANNOYER , Henri VANIERE, Conclusions du Groupe d’Etude et de Prospective « Pollution par les organochlorés aux Antilles » Aspects agronomiques Contributions CIRAD INRA, 66 pages, p.22.

http://transfaire.antilles.inra.fr/IMG/pdf/pollution_par_les_organochlores_aux_Antilles-juin2006.pdf

[iii] ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, Alimentation, Environnement, Travail) Exposition des consommateurs des Antilles au chlordécone, résultats de l’étude Kannari, décembre 2017, 202 pages

[iv] Rapport ANSES, décembre 2017, p.2 : « Les Limites Maximales de Résidus (LMR) ont par la suite été fixées par la Commission européenne [*] à : – 20 µg/kg pour les denrées cultivables sous climat tropical ou tempéré (agrumes, fruits tropicaux, tous les légumes, maïs, canne à sucre…). – 10 µg/kg pour certains produits spécifiques aux régions de climat tempéré ou susceptibles d’être importés de pays autres que les Antilles (blé, riz, pommes, poires et fruits à noyaux, betterave sucrière…). – 20 µg/kg pour les denrées alimentaires d’origine animale qu’elles soient d’origine terrestre ou aquatique et quelle que soit leur provenance géographique ».

[*] : Règlement (UE) n°149/2008 de la Commission du 29 janvier modifiant le règlement (CE) no 396/2005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne ses annexes II, III et IV relatives aux limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur certains produits.

[v] Rapport ANSES, décembre 2017, p.20 : « Pour rappel, les LMR actuellement en vigueur pour cette substance sont indiquées dans le règlement (UE) n°212/2013 modifiant le règlement (CE) n°396/2005. Suite à ce règlement adopté en 2013, les LMR des denrées carnées ont été multipliées par un facteur 5 à 10 en fonction des denrées considérées. Dans ce contexte, il a donc été demandé à l’Agence si les LMR en vigueur sont suffisamment protectrices. Tout d’abord, il apparaît que les individus s’approvisionnant de manière majoritaire en circuits contrôlés (grandes et moyennes surface, marchés, épiceries) ne présentent pas de dépassements de la VTR. Au regard de ces résultats, les LMR en vigueur sur les denrées alimentaires d’origine animale apparaissent suffisamment protectrices.

Par ailleurs, au regard des résultats des calculs d’exposition réalisés, il apparaît qu’une réduction des LMR en vigueur pour la chlordécone dans les denrées alimentaires d’origine animale ne permet pas d’abaisser les expositions à la chlordécone. En effet cette exposition est très majoritairement liée à la consommation de denrées issues des circuits informels non contrôlés.   En conséquence, pour les populations surexposées, il apparaît plus pertinent d’agir par les recommandations de consommation émises ci-dessus, plutôt que par un abaissement de la LMR.

Enfin, le CES ERCA recommande de maintenir la pression exercée sur les circuits contrôlés afin d’anticiper une éventuelle augmentation de la concentration moyenne en chlordécone dans les denrées animales terrestres compte tenu de LMR plus élevées ».

[vi] Pour les 30 ans de l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) en Guadeloupe, plusieurs ensembles de conférences ont été organisées.

Les précisions sur les pertes de QI des enfants de la cohorte Timoun ont été portées par Sylvaine CORDIER – Epidémiologiste et Directrice de Recherches à l’INSERM au sein de l’unité de recherche «Recherches épidémiologiques sur l’environnement, la reproduction et le développement». Le 27 septembre 2013 à la Médiathèque Paul MADO de la Ville de BAIE-MAHAULT, en Guadeloupe, Sylvaine CORDIER a donné une conférence dans le cadre des 30 ans de l’INSERM en Guadeloupe. C’est au cours de sa conférence intitulée « Chlordécone et développement de l’enfant: Cohorte mère-enfant TIMOUN » que Sylvaine CORDIER a précisé que les enfants suivis à sept mois pouvaient présenter des pertes de quotient intellectuel (Q.I.) qui allaient de 10 à 20 points. J’ai assisté à cette conférence et ai très vivement réagi aux propos de Mme CORDIER quand elle a produit ces chiffres qui décrivaient des enfants dans un bien triste état mental!

A l’âge de 18 mois, il apparaît que seuls les garçons sont concernés par les troubles de motricité fine.

Le dernier volet déjà publié de l’étude TiMoun établit un lien entre l’exposition au chlordécone de la femme enceinte et un accouchement prématuré – lequel intervient donc avant 35 semaines: plus longue est l’exposition au chlordécone, plus courte est la durée de la grossesse. La prématurité associée au chlordécone serait de l’ordre de 3 jours à une semaine.

A toutes fins utiles, voici les références des 3 publications déjà effectuées au titre de l’étude TiMoun :

– Luc MULTIGNER, Renée DALLAIRE, Gina MUCKLE, Florence ROUGET, Philippe KADHEL, Henri BATAILLE, Laurence GULDNER, Sophie SEURIN, Véronique CHAJES, Christine MONFORT, Olivier Boucher, Jean Pierre THOME, Sandra W. JACOBSON, Sylvaine CORDIER

Cognitive, visual, and motor development of 7-month-old Guadeloupean infants exposed to chlordecone, in Environmental Research, oct.2012, pp.79 à 85

http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0013935112002022

– Luc MULTIGNER, Olivier BOUCHER, Marie-Noëlle SIMARD, Gina MUCKLE, Florence ROUGET, Philippe KADHEL, Henri BATAILLE, Véronique CHAJES, Renée DALLAIRE, Christine MONFORT, Jean-Pierre THOME, Sylvaine CORDIER

Exposure to an organochlorine pesticide (chlordecone) and development of 18-month-old infants in NeuroToxicology vol.35, janvier 2013, pp.162 à 168.

http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0161813X13000193

– Philippe KADHEL, Christine MONFORT, Nathalie COSTET, Florence ROUGET, Jean-Pierre THOME, Luc MULTIGNER, and Sylvaine CORDIER

Chlordecone Exposure, Length of Gestation, and Risk of Preterm Birth, 9 pages in American Journal of Epidemiology Advance Access published January 8, 2014

[vii] Rapport ANSES, décembre 2017, p.20 : « Tout d’abord, il apparaît que les individus s’approvisionnant de manière majoritaire en circuits contrôlés (grandes et moyennes surface, marchés, épiceries) ne présentent pas de dépassements de la VTR ».

[viii] cf Annexe de la présentation de notre projet sur la plateforme de financement participatif, KissKissBankBank

[ix] Parce qu’en Guadeloupe et en Martinique, le nombre de couples infertiles ou ayant des difficultés de procréation ne cesse de croître, en 2005 une Banque de sperme (via le CECOS du CHRU) a été implantée en Guadeloupe. Deux ans plus tard, en juin 2007, c’est un Centre Caribéen de la Médecine de la Reproduction (CCMR) qui a été inauguré. Ce Centre a vocation à répondre aux demandes d’une clientèle antillo-guyanaise mais aussi caribéenne. Invité sur RFO Guadeloupe, le jour de l’inauguration du CCMR, le Professeur Eustase JANKY – alors Directeur du CCMR – signale l’existence d’une demande locale (d’assistance à la procréation) non satisfaite d’environ 300 couples par an, au bas mot. D’après lui, un tel niveau tenait à la mauvaise qualité du sperme des guadeloupéens – confirmée à maintes reprises par des spermogrammes. Si, malgré tous les efforts pour une procréation assistée par le CCMR, la grossesse ne se produit pas du fait de la mauvaise qualité du sperme de son conjoint, la femme Guadeloupéenne ou Martiniquaise est ainsi invitée à se rendre à la banque de sperme pour se procurer les paillettes disponibles. Du moins, c’est le parcours que lui propose l’Etat français.

Le chlordécone est le toxique le plus répandu dans le corps des antillais. ll peut être détecté un peu partout : dans le sang, dans les graisses, dans le cerveau, dans le foie… mais aussi dans le sperme.

Ce pesticide est notamment spermatotoxique.

Nous devons réagir à la stérilisation de masse organisée par l’Etat français et par l’Union Européenne !

[x] Henri BONAN, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Inspection Générale des Affaires Sociales, Jean-Louis PRIME, Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement, Inspection Générale de l’Environnement, Rapport sur la présence de pesticides dans les eaux de consommation humaine en Guadeloupe, juillet 2001, 80 pages, p.57.

http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr/upload/bibliotheque/340397772695819659329052991009/10_pesticides_eaux__consommation_humaine_Guadeloupe.pdf

[xi] Idem

[xii] CIRE : Cellule Interrégionale d’Épidémiologie

[xiii] CHRU : Centre Hospitalier Régional Universitaire

[xiv] CGSS : Caisse Générale de Sécurité Sociale.

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