Proposition de douze axes prioritaires pour un cahier des charges de la traçabilité alimentaire des pesticides en Guadeloupe[1]

Auteurs de la Proposition:

Roland BUREAU agriculteur, Président GIE (Groupement
d’Intérêt Economique) Sud Basse-Terre

Nice COTELLON-CAMBRONNE écologiste, Présidente de
l’association SOS Basse-Terre Environnement

Wilfrid CAMBRONNE-SURPRIS, Docteur en médecine, Président
du Collectif APEN (associations pour la Protection de l’Environnement et de la
Nature)

Germain PARAN, Président de la FADEUGI (Fédération des Associations de Défense de l’ Eau des Usagers de la Guadeloupe et de ses Iles)

Joëlle VERDOL, citoyenne, romancière,
membre de GREENPEACE

Philippe VERDOL, Maître de Conférences
en économie à l’Université Antilles Guyane

 

Ø Préambule.

Karukéra, l’île aux belles eaux …

Oui, la Guadeloupe est belle, mais son territoire de 1800 km2 est aussi très fragile et très vulnérable. Force est de constater qu’elle a déjà beaucoup souffert de la pratique de l’agriculture intensive. Son exceptionnelle biodiversité et plus généralement son écosystème sont désormais en danger. Nous devons les préserver à tout prix.

Après le scandale du chlordécone, l’attention est maintenant focalisée sur l’épandage aérien.

Conscients des ravages que les produits phytosanitaires provoquent, les paysans du GIE Sud Basse-Terre tiennent à informer le grand public de l’existence de nombreuses autres pratiques anormales émanant de paysans peu scrupuleux. Ces pratiques ne sont pas propres à la Guadeloupe, mais se développent partout dans le monde où les paysans cèdent à la logique de l’agriculture intensive.

En voici quatre exemples parmi tant d’autres.

–         la pêche aux pesticides

Voici plusieurs années, des paysans de la Basse-Terre qui venaient d’épandre du HCH (hexachlorocyclohexane) se sont aperçus qu’en ruisselant jusqu’à la ravine, ce produit faisant sauter les écrevisses hors de l’eau. On pouvait ainsi les pêcher sans efforts. Depuis, la pratique de la pêche aux pesticides s’est développée : on en verse en amont, puis on récolte un peu plus loin les écrevisses qui ont sauté hors de l’eau. Cette technique a d’ailleurs évolué : une bombe d’insecticide est pulvérisée à bouts de bras sous les rochers de la rivière. Les écrevisses sortent alors précipitamment et se font attraper sans problème.

–         Préservation d’une parcelle de terre saine pour la famille.

Estimant que les pesticides qu’ils utilisent sont nuisibles, certains agriculteurs préservent de tout pesticide une des parcelles qu’ils cultivent.
Les végétaux récoltés sur cette parcelle sont destinés à l’usage de l’agriculteur et de ses proches. Les autres parcelles sont destinées à approvisionner le grand public.

–         Commercialisation de végétaux juste après un
épandage.

Certains produits phytosanitaires doivent être épandus 8 voire 15 jours avant la récolte. Quand des maraîchers constatent sur le marché que telle marchandise se vend bien, ils informent rapidement leurs collègues. Ceux-ci chargent rapidement une ou deux camionnettes avec des végétaux qui ont parfois été traités la veille ou le matin même…

–         Le forçage du cycle naturel de certains végétaux

Dans l’agriculture intensive qui est généralement pratiquée en Guadeloupe, pour accélérer le cycle de production des ananas (notamment) en provoquant artificiellement un stress hydrique, il est possible d’utiliser en toute légalité une substance active spécialement prévue à cet effet : de l’étéphon (dont la dénomination commerciale la plus courante est éthrel). Outre ses effets sur la santé humaine, pour le producteur, l’étéphon présente un inconvénient de taille, c’est qu’il coûte cher (jusqu’à 110 euros le litre, en Guadeloupe).

Certains de nos agriculteurs ont constaté qu’en utilisant du 2,4-D., un herbicide bon marché (10 euros le litre), ils parviennent au même résultat.
Seulement, le 2,4-D. est un puissant désherbant, très toxique. La molécule de 2,4-D agit en mimant une hormone de croissance végétale qui induit une croissance incontrôlée conduisant à la mort du végétal. Les ananas sont donc portés très vite à maturité, puis récoltés, vendus et consommés avant que le 2,4-D ne les tue comme de la mauvaise herbe. Que provoque ensuite ce produit dans notre corps ? L’éthrel lui-même est-il moins nocif ?

 La sécurité alimentaire relative aux pesticides reste donc à construire en Guadeloupe. Animés de la conscience d’une telle urgence et désireux d’abandonner le modèle d’agriculture intensive, nous autres paysans, écologistes, usagers de l’eau et simples citoyens avons élaboré, à l’attention des décideurs, une proposition de douze axes prioritaires pour un cahier des charges de la traçabilité alimentaire des pesticides en Guadeloupe.

Notre connaissance fine du dossier des pesticides en Guadeloupe nous a permis de définir des priorités à partir d’une solide expérience de terrain.

Au stade de pollution / contamination globale auquel l’environnement de la Guadeloupe ainsi que sa
population sont parvenus, nous estimons que, pour restaurer la confiance dans la production disponible sur place (production locale + production importée), la mise en œuvre du cahier des charges préconisé devrait nécessairement s’appuyer sur :

–         L’installation d’une commission méthodes et moyens

–         Outre les représentants des institutions qui ont en charge l’organisation et la responsabilité de la traçabilité (Chambre d’agriculture, Direction de l’Agriculture et de la Forêt DAF, Service de la Protection des Végétaux SPV, Agence Régionale de Santé ARS, Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes DRCCRF et autres Services concernés) – l’intégration des agriculteurs professionnels mais aussi des représentants de la société civile (simples citoyens, association de consommateurs agréées, associations de défense de l’environnement, associations d’usagers de l’eau, …) est indispensable à toutes les phases de réflexion.

–         L’intégration à certaines phases de contrôle de ces mêmes agriculteurs et autres représentants de la société civile est elle aussi indispensable.

Notre proposition de douze axes prioritaires est assortie de cinq corolaires.



  • Ø Les
    douze axes requis.
  • AXE 1 Cartographie des sols

Les cartographies actuelles sont trop imprécises du fait d’un échantillonnage trop peu représentatif[2] mais aussi parce que l’information à la parcelle n’est pas rendue accessible à tous. Il convient donc depréciser finement les possibilités
d’utilisation de chaque parcelle.

D’où la nécessité de :

  • sensibiliser les experts au respect de leur cahier des charges

Les enjeux sont capitaux pour les agriculteurs locaux. Les experts doivent donc s’impliquer au maximum lors de chacune de leurs interventions en respectant scrupuleusement le cahier des charges qui leur est imposé.

  • refaire les expertises mal faites

Certaines des expertises n’ont pas eu toute l’extension qu’elles auraient normalement dû avoir, car les intervenants ne souhaitaient manifestement pas trop se fatiguer.
Sur le terrain, les agriculteurs ont trop souvent pu constater que le protocole du maillage n’a pas été respecté.

  • resserrer les maillages

Nous sommes dans un archipel à la taille restreinte. Le foncier disponible est relativement rare et précieux. Par conséquent, les zones saines aussi petites soient-elles doivent être soigneusement identifiées pour permettre à l’agriculteur de poursuivre son activité en plein sol.

  • établir la cartographie au niveau parcellaire et infra-parcellaire

Il s’agit de parvenir à une cartographie détaillée, beaucoup plus fine qu’actuellement afin de bien différencier les superficies polluées des superficies saines.
L’information doit pouvoir être disponible au niveau parcellaire mais aussi au niveau infra-parcellaire : les agriculteurs estiment en effet qu’une parcelle donnée peut présenter des zones contaminées mais aussi d’autres zones non contaminées qu’il convient d’identifier soigneusement.

  • préserver la mémoire des anciens paysans

Ils savent en effet quels traitements ils ont apporté aux différentes parties de leurs parcelles ; or les agriculteurs guadeloupéens sont en moyenne très âgés ; les difficultés actuelles de leur succession ne permettent pas la transmission aisée de cette mémoire

  • rendre  cette information accessible à tout public

Contrairement au Protocole d’Aarhus, les cartographies à la parcelle ne sont pas accessibles au grand public, mais à la Chambre d’Agriculture et à la DAAF.

  • AXE 2 Contrôle des exploitations agricoles (production végétale)

A maintes reprises, les paysans du GIE Sud Basse-Terre ont interpellé les services de la DAAF pour leur signaler que des parcelles contaminées – notamment celles de certains grands propriétaires fonciers – continuent d’être mises en exploitation. Aucun suivi n’a jamais été donné à leurs signalements.

Pour un contrôle plus efficace :

  • les agents du  Service de Protection des Végétaux doivent impérativement aller sur le terrain.
  • Les agriculteurs qui connaissent bien les surfaces contaminées de leur région pourraient être associés à ces contrôles
  • De simples citoyens pourraient également être associés, conformément aux recommandations du Comité Scientifique International du Plan Chlordécone.
    « Dans ce contexte, le Conseil scientifique recommande, ici, que soit mise à l’étude, par un groupe de travail dédié, la possibilité que le contrôle de qualité s’exerce non seulement au niveau des aliments, mais aussi au niveau géographique sur les parcelles cultivées, en complément des obligations actuelles d’autocontrôle de la teneur en chlordécone des soles maraîchères. Cela aurait l’avantage d’être un outil de contrôle moins onéreux et de regagner la confiance de la population, puisque ce contrôle pourrait être fait par les services publics, mais aussi par les citoyens et les associations.
    Une gestion spatiale du problème aurait aussi un autre intérêt majeur : redonner une visibilité à une question trop souvent traitée de façon fantasmatique parce qu’elle reste encore trop abstraite » (cf 8e recommandation du Comité Scientifique, pages 92 et 93 de son rapport).
  • AXE 3 Contrôle des exploitations agricoles (production animale)

Depuis mai 2011, les dépistages chlordécone ont commencé à l’abattoir, sur les carcasses de bovins.
Certains des animaux qui proviennent des élevages situés dans le croissant bananier, présentent des dépassements des limites maximales autorisées.

En conséquence, les abattages clandestins tendent à se développer.

Le mode d’élevage des animaux doit être revu selon l’état de contamination du sol.

Il y a donc nécessité que :

  • Les agents des Services Vétérinaires aillent sur le terrain. Certains agriculteurs de la zone pourraient également les guider dans leurs opérations de contrôle

De même certains membres de la société civile (citoyens et associations) pourraient également intervenir dans ce contrôle, conformément aux préconisations du Comité Scientifique International du Plan Chlordécone.

  • AXE 4 Mise en œuvre et autocontrôle de la traçabilité des pesticides au sein des groupements de producteurs 

Les premiers informés de l’utilisation des pesticides agricoles sont les agriculteurs eux-mêmes. Désormais, certains d’entre eux ont choisi de coopérer activement à la traçabilité. Les agriculteurs appartenant au GIE Sud Basse-Terre sont même allés jusqu’à élaborer un système remarquable qui pourrait être tout à fait adapté  à d’autres groupements de producteurs. Ce système est présenté dans l’annexe suivante.

  • AXE 5 Contrôle des importations de denrées (végétales et animales)

La présence de résidus de pesticides organochlorés tels que le chlordécone est recherchée sur des denrées provenant du proche environnement géographique de la Guadeloupe considéré comme région à risque.

Toutefois, il importe d’étendre cette détection pesticides en général aux marchandises importées de toutes origines.

  • AXE 6 Contrôle des mises en marché des denrées (végétales et animales)

Dans le monde paysan, nul n’ignore que des végétaux cultivés sur sols excessivement contaminés ainsi que des animaux mis en pâturage sur de tels sols
continuent d’être proposés à la vente sur les différents marchés de la Guadeloupe.

Les services de la répression des fraudes devraient jouer pleinement leur rôle. Les citoyens et les associations pourraient également intervenir dans ce contrôle, conformément aux préconisations du Comité Scientifique International du Plan Chlordécone.

  • AXE 7 Contrôle des importations de pesticides

La répression des fraudes devrait mieux contrôler non seulement les importations légales de pesticides, mais aussi les entrées illégales. Dans un archipel comme le nôtre, les possibilités sont multiples. Le rapport interministériel relatif à l’évaluation des deux plans chlordécone évoque à ce sujet le rôle de l’île de Sainte-Lucie comme plaque tournante pour l’approvisionnement illégal en pesticides de la Martinique et de la Guadeloupe.

Il serait intéressant que, chaque année, le Service de Protection des Végétaux diffuse auprès des agriculteurs professionnels et des vendeurs de produits phytosanitaires la liste actualisée des produits autorisés.

Les vendeurs de produits phytosanitaires – qui sont souvent des grandes surfaces ou certaines coopératives – devraient également être contrôlés ainsi que leurs clients dans le cas des produits réservés aux professionnels. A cet égard, il convient de signaler l’initiative du GIE Sud Basse-Terre qui a remis la liste de ses membres à certains vendeurs de produits phytosanitaires.

  • AXE 8 Recherche et détection des stocks de pesticides enterrés

Des produits phytosanitaires – notamment les pesticides organochlorés comme le chlordécone, le HCH, l’aldrine, la dieldrine etc – particulièrement rémanents et bio-accumulateurs ont été pendant longtemps présentés aux paysans comme des produits remarquables eu égard au « service » qu’ils rendaient. Quand ils ont été finalement interdits, de nombreux paysans ont eu le réflexe de constituer des stocks qu’ils ont souvent cachés sous terre. D’où la nécessité de les récupérer afin de stopper leurs éventuelles utilisations ainsi que les risques de pollution de l’environnement.

Selon les paysans de GIE Sud Basse-Terre, l’enfouissement de certains produits phytosanitaires a été réalisé par les agriculteurs dès les premiers temps de leur utilisation, alors même qu’ils étaient encore vendus légalement.
Ces produits étaient si agressifs (pour la peau, les yeux, l’équilibre,…) que celui qui les manipulait faisait vite le choix de les enfouir sur place. De nombreux ouvriers agricoles à qui on confiait régulièrement une tâche d’épandage, faisaient ainsi semblant d’accomplir leur mission, mais en réalité pour préserver à court terme leur santé ils pratiquaient l’enfouissement des sacs de produits phytosanitaires dès le début de leur journée de travail. Ce phénomène a duré tant que les produits ont été utilisés, légalement ou non. Il faudrait interroger les anciens agriculteurs sur la nature des produits qu’ils ont choisi d’enfouir. Restera ensuite à prendre les dispositions qui s’imposent pour leur détection dans les sols et dans les végétaux cultivés sachant qu’ils étaient emballés ou conditionnés dans des sacs en jute ou en plastique..

  • AXE 9 Contrôle sanitaire des producteurs relevant de l’agriculture professionnelle ou des jardins familiaux

L’utilisation du chlordécone dans l’agriculture a été officiellement possible jusqu’en 1993. Jusqu’à cette date, la responsabilité de l’Etat français a donc été engagée dans l’exposition des agriculteurs guadeloupéens à ce pesticide.

Il s’agit d’identifier enfin les agriculteurs ou les membres de leurs familles ayant utilisé ces produits afin de leur porter si nécessaire une assistance sanitaire.

De même, il convient de procéder à un contrôle régulier de l’imprégnation des agriculteurs qui travaillent encore sur sol contaminé.

  • AXE 10 Information des consommateurs concernant la traçabilité des pesticides dans les semences et dans les récoltes.

La traçabilité est une exigence légale imposée dès le 1er janvier 2005 à tous les pays de l’Union Européenne par le Règlement européen 178/2002 relatif à la sécurité des denrées alimentaires. Concernant les pesticides, les consommateurs guadeloupéens ne disposent encore à ce jour d’aucun élément de traçabilité.

Par des logos qu’il reste à définir, trois qualités de produits devraient pouvoir être identifiés par les consommateurs guadeloupéens :

  • Définition + logo des produits faiblement contaminés mais conformes
  • Définition + logo des produits « bio » faiblement contaminés mais conformes
  • Définition + logo des produits bio non contaminés

Viendrait ensuite une large couverture médiatique, à l’échelle de l’archipel guadeloupéen.

  • AXE 11 Information des acquéreurs concernant le bilan pesticides des sols et terrains contaminés

Depuis la transposition en droit français du second Protocole d’Aarhus[3], chaque Etat de l’Union est obligé de fournir à ses citoyens qui le souhaitent une information complète et transparente sur leur environnement.

La loi portant engagement national pour l’environnement[4]
fait quant à elle obligation d’informer par écrit l’acquéreur ou le locataire lorsque les informations rendues publiques font état d’un risque de pollution des sols. Par l’information aux acquéreurs potentiels, cette loi vise à éviter les troubles de jouissance des nouveaux propriétaires fonciers ainsi que les impacts sanitaires sur les consommateurs de denrées produites sur des sols potentiellement contaminés. 

  • AXE 12 Contrôle qualité de l’eau d’irrigation ou d’abreuvage fournie aux agriculteurs et des sols vendus aux particuliers.

La loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement vise aussi à limiter autant que possible les transferts de pollution par une forme de contrôle qualité des transactions de sols et d’eau d’irrigation.

En ce domaine, il est nécessaire de solliciter l’expertise de la FADEUGI.

  • Ø Cinq
    corolaires
  1. 1.     Augmenter les capacités locales de dosage de pesticides
    1. Dans l’eau
    2. Dans le sol
    3. Sur les matrices végétales
    4. Sur les matrices animales
    5. En traces dans le corps humain

Les capacités locales de dosage de pesticides sont aux fondements de toute politique publique actuelle de sécurité alimentaire. Elles déterminent la qualité de la cartographie des sols et des eaux douces ou marines ; elles déterminent la pertinence de l’aménagement du territoire de notre archipel, grâce à l’identification des sols sains à préserver à tout prix et des sols très pollués qu’il convient aussi de protéger jusqu’à l’avènement d’une avancée scientifique ; les capacités de dosages de pesticides permettent aussi de s’assurer que les denrées animales et végétales n’excèdent pas les tolérances en résidus de pesticides autorisées.. En définitive, à partir de prélèvements humains, ces dosages permettent de valider ou non les mesures actuelles visant à réduire l’exposition des guadeloupéens aux pesticides. Ils permettront aussi à tout un chacun d’effectuer son propre bilan de santé

  1. 2.     Augmenter les capacités locales de production et de distribution d’eau non contaminée destinée à l’agriculture.

Au début 2011, le Groupe Régional d’Etude des Pollutions par les Produits Phytosanitaires (GREPP), révèle que deux productions hors-sol de cresson sont fortement contaminées par le chlordécone présent dans l’eau où elles ont poussé. Dès lors, le lien est avéré entre la contamination de l’eau et celle des végétaux qui peuvent s’y développer.

Pourtant, à ce jour, aucune mesure n’est encore décidée pour traiter l’eau qui est acheminée depuis les rivières polluées du Sud Basse-Terre jusqu’aux exploitations agricoles du reste de l’archipel. Des systèmes de filtration au charbon actif devraient être placés sur les réseaux d’eau agricole.

  1. 3.      Implanter un premier MIR, à Colin, Petit-Bourg

En Guadeloupe, il existe actuellement un seul marché réglementé qui se trouve à Bergevin – l’un des quartiers de Pointe-à-Pitre. Depuis quelques années, une partie de ce marché a été déportée à Gourde-Liane (commune de Baie-Mahault). Cette extension ne représente en fait qu’une vente hors la loi sur  un parking, durant un temps d’ouverture particulièrement bref, de 14 heures à 16 heures. Il s’agit essentiellement de la vente en gros. Les agriculteurs du GIE Sud Basse-Terre proposent l’implantation d’un Marché d’Intérêt Régional (M.I.R.) à Colin (commune de Petit-Bourg) où ils ont déjà localisé un emplacement adapté. Strictement réglementé, un M.I.R. permettrait de mieux établir la traçabilité des productions proposées aux consommateurs.

  1. 4.      Préserver les variétés végétales robustes et fertiles sur plusieurs générations

Les semences actuellement disponibles pour les agriculteurs guadeloupéens sont en général chères. Ainsi, 10.000 graines de tomates de la variété Master América coûtent environ 680 €. Elles requièrent souvent une importante irrigation, ainsi que des apports conséquents en traitements phytosanitaires. En outre, les semences engendrées par les produits récoltés ne sont pas fécondes. Après chaque récolte, les agriculteurs sont donc obligés de racheter de nouvelles semences

D’où l’intérêt :

  1. de proposer une offre de semences endémiques, anciennes ou adaptées au terroir guadeloupéen, résistantes aux maladies, peu gourmandes en eau, non enrobées de pesticides et ne devenant pas stériles après la première génération.
  2. de créer et de développer une filière locale de production de telles semences.
  3. d’encourager les échanges ou les ventes de telles semences sur un marché agricole (pourquoi pas sur le MIR ?)
  1. 5.     Définir de nouveaux droits autour du triptyque science, expérimentation, communication.

Les agriculteurs qui le souhaitent devraient pouvoir bénéficier :

  1. D’un droit à la tenue tous les deux ans d’un colloque international sur la dépollution des sols pollués, colloque de sciences exactes et naturelles ouvert aux sciences de la santé mais aussi aux sciences sociales par le biais de la gestion publique des crises environnementales
  2. D’un droit, scientifiquement encadré, à l’expérimentation sur les parcelles au moyen de techniques de dépollution non agressives
  3. D’un droit à des analyses régulières – non anonymes – des parcelles polluées afin de permettre un suivi précis de l’évolution de leur teneur en pesticides.

Dès lors, le grand public bénéficiera :

  1. D’un droit d’accès aux résultats de ces expérimentations
  2. D’un droit d’accès à la cartographie actualisée, à la parcelle, des sols pollués.



  • Ø Eléments de bibliographie :

–        Comité Scientifique International du Plan Chlordécone

Impact sanitaire de l’utilisation du chlordécone aux Antilles françaises – Recommandations pour les recherches et les actions de santé publique, octobre 2009, 96 pages, disponible en ligne, consulté le 17/07/2012,

http://www.invs.sante.fr/publications/2010/chlordecone_antilles_francaises/rapport_chlordecone_antilles_francaises.pdf

intérêt majeur : très nombreux. A signaler en particulier l’intérêt du contrôle des conditions de production et de commercialisation par les citoyens et les associations.

 –       Matthieu FINTZ

Eléments historiques sur l’arrivée du chlordécone en France entre 1968 et 1981, Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET), décembre 2009, 21 pages, disponible en ligne, consulté le 30/12/2011,

 http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr/upload/bibliotheque/457291400429630296486151015810/autorisation_chlordecone_france__1968_1981.pdf

intérêt majeur : démontre que le gouvernement a été très tôt mis en garde par les scientifiques de la toxicité potentielle du chlordécone pour l’homme et l’environnement, mais qu’il l’a délibérément autorisé pour les Antilles françaises.

–      Pierre-Benoît JOLY

La saga du chlordécone aux Antilles Françaises – Reconstruction chronologique 1968-2008, INRA-SenS et IFRIS/AFSSET, 82 pages. Institut National de la Recherche agronomique, Sciences en Société, Institut Francilien Recherche Innovation Société, Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail, disponible en ligne, consulté le 30/12/2011,

http://www.observatoire-pesticides.gouv.fr/upload/bibliotheque/852173530783222242256849728077/saga_chlordecone_antilles_francaises_1968_2008.pdf

intérêt majeur : démontre que le gouvernement a été très tôt mis en garde par
les scientifiques de la toxicité potentielle du chlordécone pour l’homme et l’environnement, mais qu’il l’a délibérément autorisé pour les Antilles françaises.

–     Amélie GRENOT et d’Eric GODARD (coordinateurs)

Plan d’action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe 2008-2010 BILAN PAR ACTIONS 2010, décembre 2010, 106 pages.

http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Bilan_par_actions_du_plan_2008-2010.pdf

intérêt majeur : bilan du premier plan chlordécone Guadeloupe – Martinique (2008-2010) par ceux qui l’ont en charge. Fiches de synthèse pouvant être parcourues très rapidement.

–       Groupe Régional d’Etudes des Pollutions par les Produits phytosanitaires (GREPP) Guadeloupe

Séance du 12 janvier 2012

http://daaf971.agriculture.gouv.fr/Compte-rendu-du-Groupe-regional-d

intérêt majeur : compte rendu + diaporamas extension de la contamination aux animaux d’élevage, au gibier, à la faune marine et aux végétaux

–   Ministère de l’Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement,

Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé

Ministère de
l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du Territoire

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

Rapport d’évaluation des plans d’action Chlordécone aux Antilles (Martinique, Guadeloupe), Octobre 2011 (rendu public le 6 mars 2012), 99 pages hors annexes.

http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/007645-01_rapport-et-annexes_cle5b2599.pdf

intérêt majeur : évaluation particulièrement fine et sans complaisance, par des inspecteurs généraux, des deux plans chlordécone. Démontre littéralement qu’il n’y a pas de pilote dans l’avion (échec des deux plans chlordécone actuels) et qu’il convient de gérer au plus tôt cette crise sociétale par les dispositifs de droit commun. Contient de très nombreuses propositions.

–         Jean-Yves Le DEAUT et Catherine PROCACCIA

Les impacts de l’utilisation de la chlordécone et des pesticides aux Antilles : bilan et perspectives d’évolution, Rapport de l’Office Parlementaire d’Evaluation
des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) en date du 24 juin 2009, 223 pages

intérêt majeur : très nombreux. A signaler en particulier l’importance des besoins en dosages divers de chlordécone pour la Guadeloupe et la Martinique.

–         Philippe VERDOL (coordinateur),

Le chlordécone en Guadeloupe – Environnement, Santé, Société – (Actes du Colloque Chlordécone de l’UAG, Fouillole 15 mai 2006), Editions Jasor, octobre 2007, 120 pages.

intérêt majeur : premier colloque pluridisciplinaire sur le sujet. Outre des cartes de la contamination établies par la DAF, contient notamment la première révélation publique par le Dr KADHEL que la contamination au chlordécone  touche pratiquement 100% de la population.

–         Philippe VERDOL (pour le compte de l’association ASSE),

Le chlordécone en Guadeloupe et aux Antilles – Plaquette d’information alternative, juin 2008, 2 pp.

http://joelle-philippe-verdol.com/2009/12/plaquette-chlordecone/

intérêt majeur : information très synthétique apportant les fondamentaux du
chlordécone.

–         Philippe VERDOL,

L’Ile-Monde dans l’œil des pesticides, IBIS ROUGE Editions, Coll.Espace Outre-Mer, mars 2009, 216 pages.

intérêt majeur : mise en perspective transdisciplinaire et internationale de la problématique du chlordécone et d’autres pesticides que l’on peut trouver dans l’environnement des guadeloupéens. Propositions en matière de développement durable. Essai assorti de nombreuses références bibliographiques.

Synthèse réalisée à Pointe-à-Pitre le 25/08/2012

Ph.VERDOL


[1] Les idées essentielles de ces propositions ont été formulées par les participants aux réunions du 25 mai et du 17 juillet 2012 qui se sont tenues au Local du GIE Sud Basse-Terre, Desmarais, Basse-Terre.

La liste des participants à ces deux réunions est annexée à ce document.

Philippe VERDOL a été chargé de la synthèse et de la mise en forme de ces propositions.

[2] Dans leur rapport de juin 2009, J-L Le DEAUT et C.PROCACCIA observaient qu’il n’y avait que 3500 analyses de sols effectuées pour la cartographie en Guadeloupe, alors que 40.000 seraient nécessaires. Les capacités actuelles d’analyses ne permettraient pas d’atteindre un tel volume avant 2 décennies environ.

Se reporter à leur rapport en pages 62 et 63. Actuellement, nous serions toujours en dessous de 10.000 analyses de sols effectuées en Guadeloupe.

[3] Le second Protocole
d’Aarhus intitulé « Convention sur l’accès à l’information, la
participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en
matière d’environnement » a été signé le 25 juin 1998.

Sa transposition quasi-intégrale dans le droit français a été effectuée par décret n°2002-1187 du 12 septembre 2002, publié au J.O. du 21 septembre 2002). Ce texte ne comporte pas de restrictions d’applications aux DOM.

[4]  Il s’agit de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 et notamment de son article.L. 125-7.

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