Chlordécone: Déclaration de Ph.VERDOL Président de ASSE, aux inspecteurs généraux de la Mission Interministérielle d’évaluation du nouveau plan chlordécone.

Etat et décideurs locaux: «endormir les consciences!»

Notre sang est contaminé, notre pays est pollué. Douze ans déjà que la pollution a été « officiellement » découverte à l’eau du robinet et toujours pas de laboratoire grand public et toujours pas de traçabilité des aliments ! Décidément la santé des guadeloupéens et la qualité de notre environnement ne semblent pas au centre des préoccupations de l’Etat français et des décideurs locaux. Nou, nou pa ka démod, pas nou sav sé isidan lonbrik an nou téré.

Depuis 2005, l’association ASSE s’est souvent mobilisée sur la question de l’empoisonnement au chlordécone. Nous avons alerté la population lors de très nombreux meetings ou autres conférences-débat tant en Grande-Terre qu’en Basse-Terre. Des revendications ont été remises aux représentants de l’Etat français. Leur effet commence à se faire timidement ressentir à travers un volet social du Plan Chlordécone Guadeloupe-Martinique 2011-2013. C’est d’ailleurs pourquoi ce Plan a été discrètement rendu public … à Paris (et non en Guadeloupe) le 10 mars 2011.

ASSE estime que, dans son volet social, ce document comporte néanmoins un certain nombre d’insuffisances et d’hésitations relatives notamment à la prise en charge des agriculteurs malades, à l’information du grand public sur les nouveaux droits des acquéreurs de terrains, de sols et d’eau d’irrigation contaminés, à la mise à disposition de moyens financiers conséquents, à la réduction de l’exposition des titulaires de jardins familiaux contaminés, etc.

Quand l’Etat français considère qu’il y a danger pour sa population (grippe aviaire, vache folle, médiator, bactérie tueuse ECEH …), le temps n’est plus aux demi-mesures : on ne plaisante pas avec la sécurité alimentaire des français de l’hexagone.

Nous voulons être pareillement considérés.

Respé pou Pèp Gwadloup. Ban nou sa ki tan nou !

 

Travailleurs agricoles contaminés :

De nombreux travailleurs agricoles ainsi que des membres de leurs familles qui ont manipulé le chlordécone à l’époque où il était autorisé (jusqu’en 1993) se retrouvent aujourd’hui à la fois victimes d’un cancer de la prostate et laissés pour compte. Leur prise en charge sanitaire est inexistante ou insuffisante ; idem pour la prise en charge financière de leurs soins. Dans leur détresse, ils se trouvent confrontés à des pwofitan de toutes sortes. Plusieurs de ces victimes l’ont exprimé publiquement le 30 avril dernier à notre Conférence-débat d’Anse-Bertrand.

C’est inadmissible. ASSE exige leur prise en charge sanitaire et financière immédiate par les services de l’Etat. Jakata, davoi sé moun la koumansé pwan on laj !

 

Foncier pollué :

ASSE s’étonne que la loi n°788 du 12 juillet 2010 soit cachée à la population.

Sous certaines conditions, elle permet pourtant de remettre en cause des transactions de terrains, de terre végétale mais aussi d’eau d’irrigation jusqu’à 2 ans après la découverte, par l’acheteur, de leur pollution ! … Nous ne voyons toujours aucune trace de l’information officielle devant être fournie par l’Etat aux maires pour qu’ils l’inscrivent dans leur Plan Local d’Urbanisme. Désormais, tout guadeloupéen désirant acheter un terrain doit pouvoir se rapprocher de sa mairie pour savoir si sa parcelle est polluée ou pas. Quand nous les avons contactés à ce sujet, les élus eux-mêmes ont déclaré qu’ils n’étaient pas informés ! Rappelons également que pour l’essentiel, l’irrigation de la Grande-Terre continue à se faire sans filtres à partir d’eau contaminée…

ASSE appelle chaque guadeloupéen à faire valoir ses droits en application de cette loi.

ASSE exige la mise en œuvre d’un Plan d’Intérêt Général (PIG) chlordécone ainsi que l’aménagement de servitudes pour circuler en toute sécurité sur du foncier contaminé.

ASSE exige la transparence sur l’état de notre environnement ainsi qu’une information grand public dans les principaux médias ; ASSE exige encore des débats contradictoires en TV et radio.

Des moyens financiers conséquents :

ASSE refuse qu’une logique comptable soit opposée à la logique de mise en sécurité sanitaire de la population. Les guadeloupéens ont droit à la santé. Nou sé dé moun !

ASSE exige que des moyens financiers conséquents soient mobilisés pour la recherche (notamment celle qui concerne l’évolution des habitudes alimentaires ou encore les espèces de poissons réellement consommés), mais aussi pour toutes les analyses de laboratoire (eau, sols, matrices végétales, matrices animales, résidus en traces dans le corps humain) qui pourraient être nécessaires à la population guadeloupéenne.

ASSE exige que ces analyses soient mises à disposition, gratuitement, de chaque guadeloupéen.

 

Jardins familiaux : Sa ki bon pou kanna …

Dans le cadre du programme JArdins FAmiliaux (JAFA) Martinique, les services de l’Etat ont proposé aux municipalités de passer des conventions avec des associations d’insertion, en mettant à leur disposition des terres identifiées (après analyse) comme saines. La mise en culture de ces terres permet de fournir en produits locaux sains les titulaires de jardins familiaux dont les sols sont trop contaminés.

Curieusement, cette disposition n’a jamais été prise pour la Guadeloupe.

JAFA Guadeloupe persiste à demander à la population de continuer à tenir bon pour cultiver des sols considérés comme impropres en Martinique, par les politiques, les services de l’Etat et les scientifiques. Si leurs sols sont trop contaminés, les guadeloupéens titulaires de jardines familiaux sont laissés purement et simplement sans solution.

Qu’en disent nos élus ? Qu’en pensent nos élites ? Les plus concernés sont-ils seulement informés ?

Afin de réduire d’urgence l’exposition au chlordécone des guadeloupéens titulaires de jardins familiaux, ASSE exige la mise en oeuvre immédiate des mêmes dispositions qu’en Martinique.

 

Réunions chlordécone à l’initiative de l’Etat français.

 

Comme d’autres partenaires nous sommes invités par les Services de l’Etat le 8 juin au matin (rencontre avec la Mission Interministérielle d’Evaluation du Plan Chlordécone) et le 16 juin au matin (réunion semestrielle du GREPP : Groupe Régional d’Etude des Pollutions par les produits Phytosanitaires)

L’Etat français semble vouloir nous inviter à dialoguer.

ASSE dit d’emblée que le dialogue, pour être constructif,  doit permettre d’aborder les questions les plus délicates. Il doit permettre aussi de prendre la mesure des dégâts puis d’ouvrir la perspective d’une totale réparation.

Il est scientifiquement acquis que le chlordécone est à la fois cancérogène pour l’Homme et perturbateur endocrinien.

En ce qui nous concerne, avec tous ceux qui joindront leur force à la nôtre, nous chercherons toujours une issue collective, une transmutation positive, au véritable génocide par cancer, stérilisation et dégénération que trop de prétendus responsables ou sachants nous proposent d’attendre, la bouche enfarinée.

 

Reprise des négociations chlordécone

En novembre 2009, conduisant une délégation du LKP, les représentants de ASSE ont déposé 25 revendications relatives au chlordécone restées à ce jour officiellement sans réponse de l’Etat. En juin 2010, après un second séminaire de réflexion interne au LKP, 10 autres revendications sont venues les compléter.

Sur cette base, nous exigeons la reprise immédiate des négociations chlordécone et appelons la population à faire d’ores et déjà valoir ses droits.

A Gosier le 08/06/2011 Philippe VERDOL

Président de ASSE*

(*ASSE est une association agréée pour la Protection de l’Environnement)

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