Les Commandeurs de l’aube

Joëlle VERDOL Septembre 2013 ROMAN MONDE CARAÏBE EUROPE FRANCE GUADELOUPE MARTINIQUE

« Voici que je me mets à reconsidérer mon propre comportement, ma propre vie! Rapidement, je remonte son cours et repère en effet une franche coupure qui, bien qu’amorcée dès mon départ de France, s’était exprimée de façon de plus en plus marquée lors de mes randonnées pédestres dans les campagnes de la Guadeloupe. Étais-je parvenu à la limite de ma vie d’Occidental piégé dans un référentiel borné ? Je n’avais pas de réponses à toutes ces questions, mais j’acceptais le fait que, en dépit de sa taille minuscule, la Guadeloupe s’était avérée être mon catalyseur existentiel. … Dans une pareille odyssée, l’amour que j’éprouvais pour Suzette avait été mon guide ».

Le roman, Les Commandeurs de l’aube, retrace la soudaine déchéance puis la reconstruction somme toute rapide d’un jeune blanc, originaire de France métropolitaine, en quête de soi dans la société guadeloupéenne actuelle. Dans la foulée, son parcours d’homme est très édifiant quant à la structure très particulière de ces sociétés humaines qui, à travers le monde, à l’instar de la Guadeloupe, permettent la crise libératoire puis la métamorphose positive de l’étranger ayant perdu ses repères existentiels.

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Après mes dédicaces au premier Salon International du Livre de Martinique (décembre 2013), deux journalistes m’ont courtoisement interviewée dans leur studio:

–       Rodolf ETIENNE de ZOUK TV, dans le cadre de son « mag littéraire » enregistré le 10/12/2013 ;

–       Michel NEDAN de Radio APAL, le 10/12/2013,  pour une présentation en créole de mon roman – ce qui constituait pour moi une grande première.

Par ailleurs, deux lycées m’ont invitée à présenter Les Commandeurs de l’aube à certaines de leurs classes.

C’est toujours avec beaucoup de plaisir que je réponds aux invitations des lycéens dont l’accueil chaleureux me va droit au cœur tandis que la spontanéité de leurs réactions me conduit dans l’intimité de leur propre vision du monde.

Voici quelques-unes de mes réponses aux nombreuses questions qui m’ont été posées suite à la présentation du roman Les Commandeurs de l’aube aux élèves de première littéraire du Lycée Franz FANON, le 5 décembre 2013 et à ceux de première littéraire du lycée SCHOELCHER, le 8 décembre 2013.

▪                D’une certaine façon, la différence entre cette présentation et celle de L’arbre à plumes est que les professeurs de lycée avaient eu le temps de préparer avec leurs élèves l’analyse de mon premier roman. Il s’agit donc cette fois-ci de faire découvrir l’univers des Commandeurs de l’aube, tant sur le fond du récit que sur le mode d’écriture que j’utilise.

▪                La taille relativement importante de ce nouvel ouvrage est due à la complexité et à la diversité des thèmes abordés ainsi qu’à mon envie de prendre les pages nécessaires pour les traiter.

▪                En quoi mon ouvrage Les Commandeurs de l’aube est-il un roman philosophique ? L’appel au discernement du lecteur est beaucoup plus profond dans ce roman que dans le précédent. Bien qu’il puisse être lu et compris à différents niveaux, il requiert sans doute une plus grande expérience de la vie ou, à défaut, un goût marqué pour la philosophie. Le saut qualitatif induit est aussi important pour le lecteur que pour l’auteur. Fondamentalement, ce livre traite de maïeutique c’est-à-dire d’une naissance à soi. Toutefois, elle n’est pas abordée sous le même angle que dans L’arbre à plumes où les histoires du soir durant les grandes vacances permirent à Jo, une fillette de onze, de naître à sa vocation de fileuse de mots. Les Commandeurs de l’aube racontent la renaissance d’un blanc gâché dans un contexte particulier – celui d’une société où les valeurs traditionnelles locales côtoient les valeurs importées. Les premières résistent vaille que vaille, tandis que les secondes se déploient avec force. A un moment de sa vie où le personnage principal perd ses propres repères d’occidental, il trouve, dans la société antillaise, les personnes et les références qui lui permettront de se reconstruire. Son parcours d’homme ainsi que sa vision du monde qui se modifie au fur et à mesure de ses tribulations ou de ses rencontres heureuses invitent à une profonde introspection. Celle-ci tend à provoquer  simultanément chez le lecteur une prise de conscience de ce qu’il est réellement. Les altérations de la pensée, dues à un vécu traumatique ou organisées par un système aliénant, font perdre à l’individu ses repères existentiels. Il tente souvent de se trouver dans le regard de l’autre, sans discernement et sans distanciation. La quête identitaire du colonisé est d’autant plus douloureuse que le reste de ses mémoires ancestrales a été systématiquement refoulé et dévalorisé.

▪                Difficultés rencontrées quant à mon identification au personnage principal: le choix d’un homme, jeune, blanc, dont la manière de penser, de parler et de vivre est différente de celle des autochtones – en l’occurrence de celle des guadeloupéens. Au fait, Les Commandeurs de l’aube en tant que personnes ne sont-ils pas le véritable personnage principal ?

▪                Voici quelques-uns des thèmes développés dans Les Commandeurs de l’aube : Comment la perte de repères peut mener à la folie, à la driv… La mort dans nos sociétés. Le désespoir. La relation cachée ou assumée au gadèdzafè. Notre difficulté à faire nôtre notre propre spiritualité. La cohabitation des religions imposées et des pratiques culturelles ancestrales. La référence à l’Afrique. L’intégration de l’étranger présentée de son propre point de vue mais aussi du point de vue des autochtones. Le nécessaire enracinement dans une communauté d’accueil pour développer son sentiment d’humanité voire sa conscience d’être. Pouvoir reconnaître les fondements de sa propre histoire familiale par la fenêtre de l’expérience d’autrui. La trahison. L’amitié inconditionnelle. L’amour. L’engagement et le combat pour une cause. La nécessaire implication citoyenne et politique. Décider par soi-même/décider avec les autres. Sortir de l’individualisme/restaurer les solidarités au quotidien comme lors des grands moments de notre histoire. Développer sa propre vision du monde. S’ouvrir à sa propre vision de soi-même. Se désaliéner… Les problématiques identitaires, les problématiques de races sont abordées sans haine pour parler du blanc, du nègre, du noir, de l’indien, du chabin, du mulâtre… Elles constituent une invitation à l’acceptation de la différence de l’autre. En fait, le roman traite surtout d’une histoire d’amour entre une noire et un blanc. Il aborde aussi le thème de l’impermanence des choses puisqu’après une déchéance inattendue, le personnage principal, a la chance de rencontrer quelqu’un conscient de son état très altéré qui accepte néanmoins de l’aimer.

▪                 Trois idées principales: Fondamentalement, l’idée force du roman est la capacité de certains peuples à permettre à d’autres – qui avaient pu être éventuellement leurs bourreaux – de retrouver leur propre humanité, d’où le titre de l’ouvrage. Il explore aussi un paradoxe ou, devrais-je dire, un oxymore : qu’un individu caresse depuis très longtemps le rêve d’être dans la peau d’un indigène, d’un colonisé… La troisième idée découle des deux autres : vivre sa vie pour être heureux – ne pas se placer dans le rêve ou dans le cauchemar d’autrui !

▪                Technique d’écriture et prétention à l’universel. Comme L’arbre à plumes, Les Commandeurs de l’aube sont dans la tradition du roman à tiroirs. Il s’appuie sur la technique de la mise en abyme. En littérature l’exercice de mise en abyme est complexe. Il ne s’agit pas de faire raconter à un personnage une histoire dans laquelle un autre personnage racontera une autre histoire comme dans les récits enchâssés. La mise en abyme est le procédé par lequel une œuvre est représentée dans une autre œuvre du même type, par exemple en incrustant une image en elle-même. On retrouve dans ce principe l’« autosimilarité » et le principe des fractales en mathématiques.

Voici donc un court énoncé fractal de la trame du passage relatif à la folie : un individu rencontre dans sa période de folie un autre individu pris également d’une folie dont nul ne sait s’il (ce dernier) en sortira autrement que par la mort. Fano rêve ainsi de Jacques – qui n’a peut-être jamais eu d’existence physique – dont l’un des grands rêves est aussi de voler. Par un effet de miroir déformant, bien qu’elles soient différentes leurs deux histoires interrogent pareillement le lecteur… De qui suis-je le rêve ? D’une certaine manière, on retrouve ce même effet miroir dans l’intérêt que porte madame Boulèse à Fano, le personnage principal.

▪                 Les techniques de description quasi architecturales témoignent d’une vision en trois ou quatre dimensions qui permettent au lecteur de se transporter directement dans la trame du roman. Il en devient un témoin vivant dont la propre métamorphose s’accomplit en même temps que celle des personnages principaux.

▪                Un glossaire a été placé à la fin de l’ouvrage pour préciser le sens des mots et expressions créoles utilisés dans le texte qu’un lecteur non créolophone n’est pas censé connaître mais aussi le sens des mots (également mis en italique) qui relèvent d’une acception, c’est à dire d’une définition, purement antillaise ou spécifique des Antilles. Cela témoigne d’un désir de s’inscrire dans une littérature qui revendique ses fondements culturels antillais ou caribéens ainsi que sa prétention à l’universel. J’écris en un français enrichi de mes racines antillaises pour permettre à autrui de visiter ma propre culture mais aussi de se révéler à lui-même.

Les « Commandeurs de l’aube » au Bénin.

Signe de bienvenue

En signe de bienvenue, le soleil perce les brumes de saison pour illuminer les têtes monumentales du portail d’entrée

Le samedi 17 janvier 2015, j’ai présenté Les Commandeurs de l’aube à l’Institut de Développement et d’Echanges Endogènes – IDEE. Ma conférence était au programme de la commémoration de la première marche du repentir du 18 janvier 1998.

Dans l’immense salle de conférence Kwamé Nkruma de l’IDEE, devant les étudiants de l’université de Cotonou conviés par le très vénérable professeur Honorat Aguessy, j’ai présenté la perspective si paradoxale de l’aliénation. Dans mon roman – le personnage principal est un européen blanc qui caresse depuis très longtemps le rêve d’être dans la peau d’un indigène, d’un colonisé…

Je leur ai exposé également l’idée force du roman à savoir la capacité de certains peuples à permettre à d’autres – qui avaient pu jadis être leurs bourreaux – de retrouver leur propre humanité.

Ce premier retour aux sources fut notre manière d’inaugurer la Décennie internationale des peuples d’ascendance africaine.

Pour en savoir plus sur cette Décennie, cliquer sur le logo suivant 

Présentation des Commandeurs de l’aube au Fort Fleur d’Épée dimanche 14 juin 2015 à l’exposition Ça créé fort organisée par l’Association des résidents de BAS DU FORT

bas du fort

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